
À première vue ce propos pouvait sembler trop personnel pour donner matière à un récit: une femme s'éprend d'un prêtre catholique et est contrainte de vivre cet amour dans la clandestinité. En vérité le sujet est traité avec beaucoup d'à propos au point de transformer ce fait vécu en matière romanesque.
L'auteur ne nous cache rien des difficultés de sa situation personnelle et familiale et pourtant, jamais nous n'avons le sentiment d'assister à un déballage complaisant. Le récit, à la première personne, de Micheline Maca progresse avec beaucoup de patience, mais aussi de persévérance. Et il lui en a fallu pour lutter contre les préjugés, ceux de la hiérarchie religieuse et ceux de la société civile, tout en exerçant ses responsabilités de mère de famille. Or, dans cette famille, il arrive que la réalité dépasse la fiction. Ainsi le mari de la narratrice a déjà deux enfants d'un premier mariage. Ensuite deux autres dont l'un s'éprend d'une femme qui pourrait être sa mère, elle-même mère de deux enfants. Puis, ayant divorcé de la narratrice, il se remarie avec une Africaine qui a quarante ans de moins. Nous sommes donc en présence d'un cas extrême de famille recomposée où des oncles ont à peu près le même âge que leurs nièces.
Et le père Jean ? Pendant dix ans, il côtoiera la narratrice qui l'assiste dans son ministère pastoral. Puis, à partir de l'aveu des sentiments, il résistera encore pendant cinq ans, ne voulant pas renoncer à son engagement de prêtre. C'est donc toute la problématique du célibat des prêtres catholiques qui est posée de manière pertinente dans ses divers aspects: le besoin d'affection, la sexualité, le regard de la société et l' attitude de la hiérarchie religieuse.
Ce récit est un magnifique chant d'amour, celui de deux êtres qui, bien loin de se replier sur eux-mêmes, s'ouvrent à leurs proches et à la société tout entière qui hélas! s'est souvent montrée hypocrite et stupide.
Enfin, ce qui ne gâte rien, ce récit est bien écrit au point qu'on finit par oublier que ce n'est pas de la fiction.
Jacques Goyens